L'un des derniers grands orgues de Wenner
Le grand orgue de l'église Saint-Hilaire de Poitiers est construit par le facteur d'orgues bordelais Georges Wenner entre 1881 et 1883. Il comporte dès sa construction 30 registres répartis sur 3 claviers et un pédalier. Il est monté entre juillet et octobre 1884 par Gaston Maille, successeur de Wenner. La solide tribune qui le supporte fut construite en 1881 par Pierre Gros, charpentier et paroissien de Saint-Hilaire, sur les plans de M. Formigé, Architecte du Ministère des Beaux-Arts.
A sa construction, l'orgue présente l'équilibre typique des instruments romantiques de l'époque : une très généreuse batterie d'anches avec 11 jeux d'anches sur 30 jeux, de nombreux fonds de 8 pieds et aucun jeu de mixture ni de mutation à l'exception du cornet. Les jeux de 4 pieds sont les jeux les plus aigus.
L'orgue est béni le 16 novembre 1884 par le chanoine Delaforest, archiprêtre de Saint-Hilaire. Celui-ci compose spécialement pour cette cérémonie une prière de bénédiction dont le manuscrit est conservé aux archives de la paroisse.
L'intervention de Louis Debierre
L'orgue de Wenner est entretenu par divers facteurs jusqu'en 1892. A cette date, l'entretien est confié au facteur nantais Louis Debierre qui est chargé de faire un relevage avec une remise au goût du jour entre 1901 et 1902.
Les apports de Louis Debierre consistent essentiellement à réduire le nombre de jeux d’anches de l’orgue, jeux jugés « par trop bruyant », et à déplacer certains jeux d’un clavier à un autre. La batterie d’anches 16, 8, 4 de la pédale est supprimée. Le hautbois du récit est remplacé par un cornet remanié en provenance du grand orgue à la place duquel un octavin de 2 pieds est installé. L'euphone à anches libres du grand Chœur est remplacé par un plein jeu progressif de I à V rangs. Le basson de 8 du récit laisse la place à un clairon 4. La flûte de 4 du récit vient prendre la place du salicional 8 du grand chœur, lequel est déplacé au grand orgue. Quant au quintaton du grand orgue, il vient déloger une flûte traversière 8 du récit, laquelle est supprimée.
L'orgue de Saint-Hilaire, un monument historique
D'une robuste constitution, l'orgue de Saint-Hilaire traverse un siècle sans devoir subir de notables réparations. A la fin de XXème siècle cependant, le poids des ans commence à se faire sentir. A la demande des organistes de l'époque, Annie Bachelier et Louis Vacher, le Père Jacques Lefebvre, alors curé de la paroisse, met en chantier l'étude d'une éventuelle restauration de l'instrument.
En janvier 1985 est fondée l'association culturelle Saint-Hilaire dont le but statutaire est de mettre en valeur le patrimoine culturel et artistique de Saint-Hilaire, en particulier son grand orgue. En 1987, l'orgue est classé monument historique pour la partie instrumentale œuvre de Georges Wenner, à l'exclusion des modification apportées par Debierre en 1902.
Une restauration souhaitée
Devenu protecteur de l'instrument, l’Etat demanda au Père Philippe Bachet, technicien-conseil pour les orgues historiques, d'entreprendre l'étude préalable à la restauration du grand orgue. Dans l'attente cette grande restauration, un relevage de la mécanique est commandé à Jean-Pascal Villard, facteur d'orgues établi dans la région et qui effectue les travaux en 1991.
En 2001, la commission supérieure des orgues historiques étudie le projet du Père Bachet. Le rapporteur est Georges Lartigau, justement apprécié pour sa connaissance des orgues de cette époque. La procédure d'appel d'offre publique attribue le chantier au jeune facteur d'orgues Gérard Bancells dont les ateliers sont situés à Rabastens dans le Tarn.
L'orgue est intégralement démonté en juillet 2003. La volonté de la commission des orgues historiques est de restituer la quasi-totalité des jeux supprimés par Debierre. Trois anches de pédale sont réalisées en copie de celles du magnifique orgue Wenner de Montmorillon, comme le hautbois du récit. Le cornet revient au grand orgue dans sa composition d’origine. Seul l’euphone n’est pas reconstitué, la commission souhaitant que soit conçu un plein jeu progressif de 3 à 6 rangs en lieu et place de celui posé par Debierre. Très proche de celle d'origine, la composition actuelle de l'orgue prend donc néanmoins en compte quelques apports bénéfiques de l'intervention de Louis Debierre.
Au cours de l'année 2005, l'instrument retrouve sa tribune et une nouvelle jeunesse.